La musique.

Au cas où on en douterait, le ridicule des deux performances ci-dessus ne m'a pas échappé. Néanmoins, je trouve ces documents intéressants. Parmi les chansons de Christine Lebail, trop jeune, trop innocente, trop inexpérimentée, on trouve de bonnes choses. La chanson ci-dessus est une version de "Whenever a teenager cries" de Reparata & the Delrons, un classique du girl group sound. La mélodie est jolie, la voix de Christine aussi. Les paroles, par contre, sont d'une déplorable médiocrité. La mise en scène de cette performance laisse aussi songeur!

Elsa est un autre cas. L'inexpérience et l'innocence sont aussi de mise, mais pas dans le genre nunuche adolescent, plutôt dans l'approximative assimilation d'une vibration Dylanienne. Elsa a "quelque chose", mais là aussi les paroles sont relativement affligeantes.

Dans les deux cas, un sentiment d'ébauche intéressante, et d'inachevé exploité trop tôt, pour des raisons purement mercantiles de la part de producteurs sans scrupule, n'en doutons pas. Pour ces demoiselles, une aventure mémorable, certainement, mais dont elles n'avaient aucun contrôle. Oui, le regard auto-critique manque cruellement, mais en même temps, elles se lancent, quitte à s'égratigner. Dans le cas de Christine Lebail, peu d'égratignures, certainement beaucoup de complaisance et de naïveté typiquement adolescente - mais comme je l'ai dit, de réelles réussites (écouter "Toi, Chopin" quelques pages plus haut). Dans le cas d'Elsa, une naïveté aux circonstances plus atténuantes, inspirée par l'impact d'une musique et d'un style: Bob Dylan. Je possède d'ailleurs en CD quelques chansons de cette Elsa, qui n'ont rien d'honteux. Ni celles de Melle Lebail, d'ailleurs. Après tout, on a tous été (trop) jeunes. Le regard adulte peut être bien trop sévère sur ce monde tendre, dont le prix dépasse le cadre du raisonnable.

Toutes ces imperfections peuvent souligner le miracle d'une Françoise Hardy, qui atteignait la quasi perfection avec tant de limpidité, bien qu'étant très jeune elle aussi (mais aussi particulièrement productive - l'extrême jeunesse de ses tout premiers enregistrements ne sauraient non plus nous échapper, bien qu'ils soient régulièrement épargnés par une réserve instinctive, due à un sens auto-critique indispensable, voire maladif chez cette dame qui a rarement osé hausser la voix).

Mais toutes ces imperfections ne sont aussi que quelques-unes parmi des centaines d'autres, plus ou moins frappantes, plus ou moins intéressantes, de ces années soixante qui ont vu tant de demoiselles se lancer dans la chansonnette. Et bien souvent avec une créativité, une fantaisie, un sens artistique tout-à-fait stimulants.

Les Roche Martin étaient le groupe de Véronique Sanson dans les années 60.

Récemment j'entendais poser la question: "mais quelle chanson à succès d'aujourd'hui voyez-vous traverser le temps?". Une réponse évidente me vint: "Work" d'Iggy Azalea. Je ne connais rien d'Iggy Azalea. Je n'écoute pas de rap. Je n'écoute pas les succès d'aujourd'hui. J'ai entendu ce truc par hasard. Je ne sais pas ce qu'elle raconte, quoique je le devine.

Des commentaires? Je crains qu'ils ne soient à la mesure de ce morceau. Parfois il faut juste écouter. Cette chanson a un son carrément visuel, c'est au delà de la musique, c'est du cinéma, c'est urbain et illuminé d'étoiles, c'est d'une fraîcheur éternelle, comme une fenêtre ouverte sur une nuit d'été. Cela vous décolle du sol. Bien sûr, ce morceau ne serait rien sans sa partie mélodique jouée au piano, proprement saisissante, qui imprègne ce flux citadin de gravité. Son impact est universel. Il a d'ailleurs le son et la teinte de la nuit des temps.

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